Comment assurer l'intégration des gens du voyage, notamment en aire d'accueil ?
Si mon cabinet se situe à Paris 3, en tant qu'avocat intéressé par la défense des droits de l'Homme et le droit des collectivités territoriales il m'arrive d'être sollicité par des personnes issues de la communauté des gens du voyage, et ce sur toute la France. Cette communauté illustre, bien malgré elle, les potentielles limites du droit, et de la loi.
Qui est membre de la communauté des gens du voyage ?
L'appartenance à cette catégorie de population est avant tout culturelle. La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe faisait obligation aux membres de la communauté des gens du voyage de posséder un livret de circulation.
Cette obligation a été abrogée par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, au nom de la lutte contre les discriminations dont est victime cette communauté.
Il a néanmoins toujours été compliqué de définir « les gens du voyage ». Avant 2017, les membres de cette communauté étaient les personnes « sans domicile ni résidence fixe », ce qui ne suffisait pas à les différencier des forains, des gitans ou d’autres communautés nomades.
Après 2017, il s’agissait de personnes « sans résidence stable ». C’est-à-dire qu’elles pouvaient être considérées comme membres de cette communauté en vivant de façon sédentaire, dans une caravane.
Mais est-ce à dire que des personnes issues de cette communauté n’en font plus partie si elles se sédentarisent dans une propriété en dur ? Cela semble compliqué de l’affirmer, on ne perd pas si facilement ses origines, quand bien même on le voudrait.
Quels droits pour les membres de cette communauté ?
La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage a donné aux communes et communautés de communes l’obligation de construire des aires d’accueil et des terrains familiaux afin d’en accueillir dignement ces membres. Ainsi, selon son article 1, « les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d'accueil ou des terrains prévus à cet effet. Ce mode d'habitat est pris en compte par les politiques et les dispositifs d'urbanisme, d'habitat et de logement. »
Cette obligation est très peu respectée par les collectivités territoriales.
Et les lois évoquées ci-dessus donnent toutes lieu à de nombreux effets pervers. Ainsi, une commune qui ne remplit pas ses obligations en matière de construction d’aire d’accueil peut considérer que pour être gens du voyage, il faut avoir sa résidence mobile sur une aire d’accueil (donc sans aire d'accueil, pas de gens du voyage…). Des juges considèrent quant à eux que des personnes habitant dans une caravane stationnée depuis plusieurs années au même endroit sont exclus de cette communauté, au motif que des gens du voyage doivent voyager…
Curieusement, avant que la loi ne donne des droits spécifiques à cette communauté, personne ne voyait sa parole mise en doute lorsqu'il soutenait en être membre.
Quelles limites à ces droits ?
Certains clichés poursuivent les membres de cette communauté. Ils sont parfois partiellement fondés, mais il est impossible de les généraliser à l'ensemble de la communauté, que l'on évoque l'illettrisme, l'alcoolisme ou la criminalité.
Et comme souvent avec les clichés, s'ils peuvent paraître fondés, ils s'auto-alimentent et relèvent à force d'une prophétie auto-réalisatrice.
Des communes refusent par exemple d’inscrire à l'école les enfants du voyage, au motif qu’une caravane ne constitue pas une adresse. Et affirment que les seules écoles pouvant les recevoir sont celles couvrant les zones qui ont des aires d’accueil (elles préféreraient même que ces écoles contiennent des classes spéciales, avec des enfants ne vivant que sur ces aires). Les familles acceptent parfois passivement ces refus d’inscription, pourtant efficacement sanctionnés par le juge.
Les enfants de cette communauté sont ainsi moins éduqués, car plus facilement exclus du système scolaire. Mais pour la plupart, ils ne s’excluent pas d’eux-mêmes.
En ce qui concerne les atteintes aux règles de l'urbanisme, c'est la même chose : n'étant pas acceptés dans leur mode de vie, ils sont habitués à vivre dans l'illégalité. Et ceux qui auront fait le choix de vivre sur des aires d'accueil auront beaucoup de mal à le faire, ces aires étant en quantité insuffisante (sans parler de leurs locations, près des décharges ou d'usines polluantes…).
Ainsi, des lois censées permettre de lutter contre les discriminations que subit cette communauté et d’inclure un mode de vie différent dans le fonctionnement de la société s’en trouvent détournées de leur but : l’intégration devient une assimilation, et la loi un outil pour permettre la disparition de cette communauté, difficilement identifiable depuis la fin des livrets de circulation.
Que faire ?
Tout cela alimente finalement un cercle vicieux, qu'il reste très compliqué de combattre, même si les armes juridiques sont bien présentes, et que les associations de défense des gens du voyage font tout ce qu'elles peuvent pour diminuer la défiance des pouvoirs publics (et au-delà).
Le droit, pour être efficace, doit être ferme mais aussi s'accompagner d'une pédagogie qui permette que des avancées théoriques puissent se concrétiser dans la vraie vie. Mais parfois, cela prend du temps. En tant qu'avocat, je peux contribuer à faire avancer ce sujet. N'hésitez donc pas à me contacter.
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