Les limites du droit interne en matière d’immigration et son impact sur le débat
Votre avocat spécialisé en droit public à Paris 3 vous informe
Au moment de la discussion au Sénat d’une nouvelle loi sur l’immigration, il convient de préciser ce qu’une loi, quelle qu’elle soit, pourrait changer. Car si la loi en général est souverainement décidée nationalement, son application est, dans ce cas, transfrontalière.
Le débat sur l’immigration, souvent clivé et électrique, porte le plus souvent sur l’entrée et le retour des étrangers dans leur pays d’origine. Ceux qu’on accueille, et ceux dont on considère qu’ils doivent partir.
Or, ce n’est pas nécessairement sur ces deux points qu’une loi change quoi que ce soit.
Que recouvre le terme d’immigration ?
En tant qu’avocat en droit des étrangers, sur Paris intra-muros, je sais que c’est un domaine vaste. Il englobe, schématiquement, l’immigration légale, l’immigration illégale, le droit d’asile, et d’une certaine manière le droit de la nationalité, en tant qu’accession à la nationalité, par naturalisation par exemple.
Mettons tout de suite de côté le droit de la nationalité. La France décide de qui peut ou ne peut pas devenir français, parmi celles qui ne sont pas nées françaises.
En ce qui concerne l’immigration légale, on raisonne par cases. Il existe plusieurs raisons de délivrer un titre de séjour (ou un visa permettant d’en demander un) : les études, le travail, le regroupement familial, la création d’entreprise, le séjour longue durée pour ceux qui ont des revenus suffisants pour vivre en France sans travailler (titre de séjour visiteur), les parents à charge de leur enfant français, etc, etc.
A ce niveau-là, la souveraineté de la France est également totale. Elle peut décider de supprimer des cases, ou d’en ajouter. Elle peut aussi élargir ou restreindre leurs champs d’application.
En ce qui concerne l’immigration illégale, on considère que des personnes intégrées, qui travaillent depuis des années (voire des décennies) en France (et donc contribuent à faire tourner l’économie et parfois cotisent pour des droits auxquels elles n’ont pas droit, comme la retraite), peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’un titre de séjour.
La France pourrait décider qu’elle ne régularise plus aucune personne arrivée illégalement sur son sol (il faut quand-même préciser qu’actuellement, cela reste à la discrétion du préfet territorialement compétent pour traiter la demande).
En ce qui concerne l’asile, il s’agit d’une obligation découlant de divers traités internationaux, et notamment de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, mais aussi du bloc de Constitutionnalité (préambule de la Constitution de 1946).
Il serait d’ailleurs pertinent d’en parler dans un article à part entière.
Toujours est-il qu’au final, on peut accorder plus ou moins facilement l’asile, selon la pratique de ceux qui en sont chargés.
Dans tous les cas, la France donne ou ne donne pas des droits. De façon très basique (car les réalités humaines sont très vastes et impossibles à résumer ici), c’est cela la pratique du droit des étrangers.
On accompagne dans la demande de titre de séjour, on conteste un refus de délivrance de visa ou de titre de séjour, on conteste une obligation de quitter le territoire français (les fameuses OQTF).
Mais après ?
C’est là que le bât blesse. Nous sommes dans une période où on tente de réduire l’immigration. Mais une fois que la technique juridique a été mobilisée pour réduire la possibilité d’obtenir des papiers, une fois que les pratiques des préfets et des juridictions chargées d’en contrôler l’action ont été infléchies par des décrets, des circulaires, ou tout simplement par un contexte qui pousse à agir toujours dans le même sens, que se passe-t-il ?
On le voit, la loi ne change rien à la pratique. La pratique, c’est, sans changer les cases, faire en sorte que de moins en moins de personnes entrent dans ces cases.
La loi peut seulement diminuer le nombre de cases.
Mais l’effectivité, quand on parle d’immigration, ce n’est pas cela. L’effectivité, c’est l’expulsion quand elle a été décidée. C’est souvent cela qui est au centre de ce débat (« passoire », « appel d’air », « submersion », voire, pour les plus extrêmes « grand remplacement »).
Et sur ce point, une loi ne changera rien.
Pourquoi une loi a-t-elle si peu d'impacts ? Votre avocat avocat au barreau de Paris vous offre quelques éléments de réponse
Environ 10 % des OQTF sont exécutées (même si ce chiffre évolue). Le problème vient principalement du côté des pays censés reprendre les personnes à expulser, qui ne délivrent pas de laissez-passer consulaire permettant l’expulsion.
Certes, on peut décider de ne pas octroyer la nationalité française par naturalisation, on peut décider de ne pas donner de titre de séjour, ni même d’offrir le statut de réfugié à des demandeurs d’asile dans les faits (sans renoncer à son principe). Mais si derrière, les personnes ne sont pas expulsées, cela n’a aucun intérêt.
Il est souvent évoqué en ce moment l’assassin du professeur Dominique Bernard. C’était un ressortissant russe. Avec cette nouvelle loi, il aurait pu être expulsé, dit-on. Il aurait simplement suffi de demander à Vladimir Poutine, qui se sert cyniquement de l’immigration en provenance des pays du Sud pour déstabiliser l’Occident, de reprendre un radicalisé chez lui. Nul doute qu’il aurait voulu délester la France d’un tel fardeau…
En outre, pour tenter d’éviter l’arrivée de personnes sans papiers en Europe, il a été signé de nombreux accords, avec la Turquie et la Tunisie notamment. Ce qui rend finalement l’Europe vulnérable, puisqu’à la merci de chantage de la part des pays partenaires. Le Président turc ne s’en prive d’ailleurs pas.
Il est ainsi évident que la loi, face à ces deux exemples très simples, révélateurs mais loin d’être isolés, est peu de choses.
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